Wednesday, November 13, 2013

en filigrane...

Empty Spaces (Rue Tripoli, Alger)
Photo : Nacym Baghli
40
L’architecture n’est pas perçue, elle se perçoit.
Ambiguïté.
L’architecture ne se perçoit pas, elle est perçue.
Actifs et Passifs se télescopent dans un tourment de stratagèmes mais, une seule issue, inéluctable,
le Moi.
Bilan. Selon qu’on ait "l'âge qu'on a", on perçoit la vie autrement. On perçoit les choses de la vie autrement. À fortiori, l’Architecture.
Ce n’est pas l’architecture qui change mais les hommes. Le regard des hommes. La perception dont en font, bon usage ou pas, les architectes, les critiques ou les simples gens. Notre perception.
On se surprend malgré nous à évoluer dans des bulles, où chacun vaque à ses délires et s'embrouille dans ses propres interprétations. Chacun dans sa bulle. L’architecture en est une.
40
40 n’est pas 7 ou 17. 40 n’est pas 77.
Certes, c’est lié. Tout est lié. Cela pourrait être physique, mathématique, voir métaphysique.
Le Moi est souverain. Ses sujets, ce sont les autres. Simplement les autres.
L’architecte, ambitieux, est par essence au Centre. Il se retrouve dans le Moi.
Le Moi lui sied à merveille et assouvit ses désirs les plus ardents.
Tout au long de son parcours, l’architecte progresse selon les péripéties de la vie. Comme tout le monde. Il rêve, réalise, aime, déteste, déçoit, apprend, surprend. Comme tout le monde, il est parfois ému, déçu, déchu, rebelle, docile, frustré, complaisant.
Il crie au scandale quand c’est les autres, s’approprie la gloire quand c’est lui.
40
L’âge où plus rien n’est possible mais tout est à portée.
L’âge où la force nous échappe alors même qu’on est dans la force de l’âge.
L’âge des désillusions et des espoirs.
La Ville.
Terrain de prédilection de tout architecte ambitieux ou en quête de devenir. Terrain, celui-là même où toutes les promesses ne seront jamais tenues. Un échiquier inextricable. Le "panier à crabes" urbain par excellence.
Métropole.
L’autre infidélité faite à l’architecte. Celle-là même dont il ne se remettra plus. Impitoyable par son échelle, à son échelle. Indomptable. Là où le fantasme de tout architecte prend naissance. Là où il s’évanouit tout aussi vite, dans les méandres de celle qu’il avait tant désirée.
Alger.
Blanche, intrépide, exquise. Alger, grise, farouche, incertaine.
Alger, la ville qui m’a vu naître. Qui a vu naître l’architecte en moi. Qui a vu naître mon Moi.
Elle en a enflammé plus d’un. Des algérois, de tout temps ou d’un temps. Des colons et des résistants. Des artistes et des damnés. Des architectes, bien sûr. Elle est imprimée et imprégnée de souffrances et de blessures. De révoltes et de tragédies. Mais aussi, et parfois, de joie de vivre et d’insouciance.
Tout cela est en elle, coule dans ses veines, tel ce flux perpétuel irriguant la baie, de part et d’autre de son histoire. Ce sang chaud mais tellement froid.
Alger est grande. Alger est petite. Alger contient Manhattan. Alger n’est pas Manhattan. Alger est dense mais elle manque avant tout de densité. Alger ne manque de rien sauf de sang-froid. Alger manque d’audace. Il lui est due, et lui seul lui rendra justice. Alger manque d’utopie, égarée dans la modernité. Alger réclame un hommage, à titre posthume.
40
L’âge de la reconstruction. Le gout de l’inachevé. La volonté de sur-exister.
Carcasse.
Joyau de la couronne. Quintessence de l’architecture.
Force et banalité convoquent l’Architecture au temps des utopies perdues. Le post-modernisme en a pour son grade. Le post-criticisme meurt une deuxième fois. Carcasse. La postérité l’emportera assurément dans ses bagages. Image conflictuelle. La trame jugule le plan. L’improbable attise le béton. La façade se travestit. Véritable inceste urbain. Carcasse. C’est la Quintessence de l’architecture.
Quant à moi,
Architecte, mon Moi est noyé dans cet océan conflictuel des vérités et contre-vérités. Celui des affirmations et des mensonges. L’architecte en Moi n’en ressortira pas indemne. La Ville contemporaine non plus. Incertitude. Tout est question de perception, de changement de référentiels. Échelle relative. Vision et transgression finissant par triompher, peut-être, des derniers bastions de la "modernité".
2013,
Chiffre impair, superstitieux, voir prétentieux. Une année idéale pour reconsidérer l’évident, l’ordinaire. Mieux vaut tard que jamais.
Fundamentals,
Si proche et pourtant si loin.
40
Ma perception, délivrée ici même, se mesure du haut de mes 40 ans. Elle ne sera plus la même désormais.
2013, une (autre) année comme les autres.
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Nacym Baghli
Alger, le 13.11.2013

_______Texte pensé et rédigé en 90 mn chrono, inspiré par (FB+40+RK)